Infections urinaires

Dernière mise à jour : 18 avril 2024



Classification

Classification des infections urinaires

1 Facteurs de risque de complication :

  • Toute anomalie de l’arbre urinaire
  • Certains terrains :
    • Homme
    • Grossesse
    • Sujet âgé « fragile »
    • Clairance de créatinine < 30 mL/min
    • Immunodépression grave
    • Polykystose

2 Eléments de gravité :

  • Sepsis sévère (Quick SOFA > 2)
  • Choc septique
  • Geste urologique (hors sondage simple)

3 Facteurs de risque de BGN-MDR ou Pseudomonas aeruginosa :

  • Infection associée aux soins survenant après le 5e jour (nosocomiale tardive)
  • Porteur connu au cours de l’année précédente (infection ou colonisation)
  • Prévalence locale d’organismes résistants aux antibiotiques
  • Hospitalisation (en Belgique ou à l’étranger) < 3-6 mois
  • Transfert d’un autre hôpital ou d’une institution de soins (MR/MRS)
  • Amoxi-clav/C3G-C4G/pip-tazo/carbapénèmes/FQ < 3-6 mois
  • Voyage en zones endémiques < 3-6 mois

4 Risques de résistance aux fluoroquinolones (FQ) :

  • Exposition aux FQ < 3 à 6 mois
  • IU acquise à l’hôpital ou dans un établissement de soins de santé

Abréviations : Amox-clav : amoxicilline-acide clavulanique ; ATCD : antécédents ; C2G : céphalosporines de 2nde génération ; C3G : céphalosporines de 3ème génération ; EBLSE: Entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu ; FQ : fluoroquinolones ; FDR : facteurs de risque ; IU : infection urinaire, PNA : pyélonéphrite aigue

zones endémiques à EBLSE via le lien : http://atlas.ecdc.europa.eu/public/index.aspx

Quelques principes

Aux urgences

Pour tout patient présentant un problème urinaire, demander une tigette, un sédiment urinaire et une culture d’urines (RUSUCU) sur des urines mi-jet après toilette génitale. En cas de symptômes systémiques (si T ≥ 37,8 °C), prélever deux paires d’hémocultures, en cas d’infection compliquée et/ou prescription préalable d’antibiotique (hémocultures positives dans > 20 % des cas).

Interprétation des cultures

Leucocytes : la présence d’une leucocyturie n’est pas la preuve d’une infection active. Par contre, une infection urinaire est très peu probable en son absence (< 25 /mm3 ). Ceci reste valable pour les patients porteurs de sonde urinaire.

Bactéries : excepté chez les patients sondés, la mise en évidence de 2 agents infectieux (ou plus) à la culture (sur une seule culture urinaire) fait suspecter une contamination de l’échantillon. Une nouvelle culture est souhaitable.

Quand considérer une infection ?

Signes cliniques et/ou bactériurie ≥ 105 CFU/mL, à l’exception de :

  • ≥ 104 CFU/mL (une seule espèce) :
    • femmes + dysurie
    • prostatite
    • enfants
    • pyélonéphrite aigüe

Bactériurie asymptomatique

1 Présence de germes sans symptômes avec ou sans leucocyturie. La plupart des bactériuries sur sonde sont des bactériuries asymptomatiques.

Screening recommandé et traitement uniquement :

  • Avant une procédure invasive génito-urinaire (incluant le remplacement des sondes JJ) avec risque de saignement de la muqueuse
  • Chez les femmes enceintes entre 12 et 16 semaines de grossesse ou à la première consultation pré-natale (si plus tard) ; la fréquence des contrôles ultérieurs n’est pas définie → débattu dans la littérature

Pour les patients transplantés rénaux :

Le dépistage des patients en post-greffe rénale est débattu dans la littérature et les recommandations s’opposent au dépistage et au traitement au-delà d’un mois.

Pour tous les autres patients [y compris les patients diabétiques (prévalence de la bactériurie asymptomatique: ~ 15%) ou porteurs de sonde urinaire (prévalence de la bactériurie asymptomatique > 50 % après une semaine et 100 % après un mois)] :

  • pas de symptôme = pas de culture, pas de traitement !

Chez les patients âgés, la symptomatologie d’une infection urinaire est souvent moins marquée ou atypique (confusion, chutes, décompensation d’une comorbidité, …). Il est également fortement recommandé d’éliminer d’autres sites d’infection que celui urinaire, en présence d’une bactériurie, car une colonisation urinaire est fréquente chez ces patients. (Prévalence de la bactériurie asymptomatique chez les patients âgés > 70 ans: ~ 15 %)

La candidurie ne se recherche pas car celle-ci ne se traite pas. En cas de découverte d’un Candida dans les urines, il faut rechercher une localisation systémique (hémocultures, fond d’œil, localisation cutanée ou organique, etc.). En cas de candidurie symptomatique, il est conseillé d’obtenir l’avis d’un infectiologue, car il s’agit d’une entité diagnostique très débattue dans la littérature. A noter que seul le Fluconazole permet d’obtenir des concentrations thérapeutiques au niveau urinaire.

!!! Pas de traitement empirique, antibiothérapie ciblée avec le spectre le plus étroit possible en fonction de l’antibiogramme !!!

Type Germes Traitement Durée
Patient subissant une procédure invasive génito-urinaire (incluant le remplacement des sondes JJ) Le prélèvement d’urines doit avoir été réalisé maximum 7 jours avant l’intervention

⇒ Si la culture est négative ⇒ Se référer au chapitre « Antibioprophylaxie »

⇒ Si la culture est positive ⇒ Se référer à la section « Traitement » de ce tableau
Pas de traitement empirique, antibiothérapie ciblée avec le spectre le plus étroit possible en fonction de l'antibiogramme !

Traitement à privilégier si sensible :
Nitrofurantoïne1 PO 100 mg/8 h

Traitement a priori à éviter : fluoroquinolones
1 à 2 doses 2
Femme enceinte3 Voir culture 4 Pas de traitement empirique, antibiothérapie ciblée avec le spectre le plus étroit possible en fonction de l'antibiogramme !
Traitement utilisable :
Fosfomycine PO 3 g en une prise unique
Nitrofurantoïne 1 PO 100 mg/8 h
SMX/TMP5 PO 800 mg/160 mg/12h (pas au 1er trimestre)
Céfuroxime axétil PO 500 mg/8 h

1 j
5 - 7j
5 - 7 j
5 - 7 j
Dans le 1er mois qui suit une greffe de rein Voir culture Pas de traitement empirique, antibiothérapie ciblée avec le spectre le plus étroit possible en fonction de l'antibiogramme !

Traitement à privilégier :
Nitrofurantoïne 1 PO 100 mg/8 h
3 à 5 j
  1. A ne pas utiliser si GFR < 40 mL/min
  2. Une dose d’antibiotique avant la procédure et une dose d’antibiotique après la procédure, sans dépasser une durée de couverture de 24h (exemple : 1 seule dose suffisante pour l’amikacine, la ceftriaxone, … par contre il convient de répéter l’administration d’antibiotiques dont la fréquence d’administration est < 24h)
  3. Sites internet permettant d’évaluer les médicaments qui peuvent être prescrits ou à éviter chez les femmes enceintes ou allaitantes : www.le-crat.fr ; www.cybele.be
  4. Une culture d’urine positive à Streptococcus agalactiae (Strepto B) chez une patiente enceinte représente un facteur de risque décisionnel pour l’antibioprophylaxie. La patiente doit systématiquement recevoir une antibioprophylaxie streptocoque B en intrapartum. NB : il n’est plus nécessaire de faire un screening génito-rectal à 35 - 37 semaines. Le résultat n’est plus d’aucune utilité pour la décision de l’antibioprophylaxie ou non.
  5. Pas pendant le premier trimestre de grossesse et l’administration doit être arrêtée 14 jours avant la date prévue de l’accouchement.

Cystite

Pré-requis : se référer aux critères diagnostiques !

Cystite simple

2 Type Germe Traitement Durée 4
Chez la femme
  • Entérobactéries (E. coli 80 - 85 %)
  • Staphylococcus saprophyticus
  • Enterococci
Préférer :
Nitrofurantoïne 1 PO 100 mg/8 h ou
Fosfomycine PO 3 g en une prise (un seul jour)

Alternative :
SMX/TMP 3 PO 800 mg/160 mg/12 h

3 - 5 j
1 j


3 j
  1. Pas utiliser si GFR < 40 mL/min
  2. Si pas reçu AB < 3 mois

Cystite à risque de complication

3 Cystite à risque de complication = Risque d’échec thérapeutique pour des raisons :

  • Soit fonctionnelles ou anatomiques (vessie neurogène, reflux, lithiase, sonde urinaire, anomalies urétrales et urétérales, etc.) → Contrôle des anomalies fonctionnelles ou anatomiques sous-jacentes indispensables ; la durée du traitement reste similaire au tableau ci-dessus.
  • Soit de résistance (cf. introduction du chapitre « Classification des infections urinaires - Algorithme ») → Avis infectio si symptomatologie persistante

⇒ Considérer de faire culture d’urine et adapter l’antibiothérapie sur base de l’état clinique et/ou de l’antibiogramme.

Type Germe Traitement Durée
Cystite à risque de complication
  • Entérobactéries (E. coli 80 - 85 %)
  • Staphylococcus saprophyticus
  • Enterococci
Préférer 1:
Fosfomycine PO 3 g en une prise (un seul jour) ou
Nitrofurantoïne3 PO 100 mg/8 - 12 h

1 j 2
5 - 7 j
Chez la femme enceinte Nitrofurantoïne3 PO 100 mg/8 - 12 h ou
Fosfomycine PO 3 g en une prise (un seul jour) ou
Céfuroxime axétil PO 500 mg/8 h
5 - 7 j
1 j
3 - 5 j
Chez l'homme
= diagnostic d'exclusion 4
  • Entérobactéries
  • Enterococci
Préférer :
Ciprofloxacine PO 500 mg/12 h (si absence de FR d’infection due à des pathogènes résistants aux fluoroquinolones6)

Alternative :
SMX/TMP7 PO 800 mg/160 mg/12 h
7 j
  1. Ces deux antibiotiques gardent une bonne activité sur les bactéries Gram négatif de type β-lactamases à spectre élargi (EBLSE).
  2. Administration d’une dose supplémentaire à J3 peut se discuter
  3. A ne pas utiliser si GFR < 40 mL/min
  4. Rechercher une urétrite ⇒ PCR Gonocoque et Chlamydia sur urines en cas de rapports sexuels non protégés et culture urinaire positive et / ou symptômes (cfr. chapitre « Infections sexuellement transmissibles ») Une cystite chez l’homme ne peut être considérée qu’uniquement en l’absence de pyrexie et en cas de résolution rapide des symptômes dans les 72 h d’une antibiothérapie efficace. En cas de doute diagnostic, le toucher rectal et le dosage PSA total (le dosage est à réaliser avant le toucher rectal) peuvent être intégrés au raisonnement diagnostic.
  5. cf. introduction de ce chapitre « Classification des infections urinaires - Algorithme »
  6. Si pas reçu AB < 3 mois

Infection urinaire ascendante

Pyélonéphrite

4 5 Type Germe Traitement Durée 4
Retour à domicile 1
  • Entérobactéries (E. coli 80 - 85 %)
  • Staphylococcus saprophyticus
  • Enterococci
[Ciprofloxacine PO 500 mg/12 h ou
Lévofloxacine PO 750 mg/24 h]
±
Amikacine IV 20 mg/kg en dose unique 2
7 j
5 j
Hospitalisation sans risque de Pseudomonas aeruginosa ou BGN-MDR 2 Ceftriaxone IV 2 g/24 h
±
Amikacine IV 25 - 30 mg/kg en dose unique 3,4

Alternative :
Ciprofloxacine 750mg/12 h
±
Amikacine IV 25 - 30 mg/kg en dose unique si FR 4,5
7 - 10 j 5,6,8
Hospitalisation avec risque de Pseudomonas aeruginosa ou BGN-MDR 2
  • Entérobactéries
  • Pseudomonas aeruginosa
  • Enterococci
  • Staphylococcus aureus
[Pip/Tazo IV 4 g/8 h en 4 h perfusion prolongée)
ou 4 g/6 h en 30 min (perfusion intermittente)
ou céfépime 2g/12h en 12h (perfusion continue)]
+
Amikacine IV 25 - 30 mg/kg en dose unique 3,4

Alternative :
Ciprofloxacine 750mg/12 h
+
Amikacine IV 25 - 30 mg/kg en dose unique 3,4,7
  1. Retour à domicile : pas de critère clinique de gravité et pas de facteur aggravant (obstacle) et résultats de la culture à adresser au médecin généraliste
  2. Facteurs de risque BGN-MDR : cf. introduction de ce chapitre « Classification des infections urinaires - Algorithme »
  3. Critères cliniques de gravité ou facteurs aggravants (obstacles)
  4. Quelle que soit la fonction rénale
  5. Si traitement strictement IV ou relais PO par fluoroquinolones, durée de traitement : 7 jours ; si relais PO par une autre molécule (Céfuroxime, SMX/TMP) durée de traitement : 10 jours
  6. Durée de 7 jours probablement suffisante pour la plupart des infections, y compris les infections bactériémiantes. Discuter 10 jours en cas d’immunodépression ou d’obstacle sur les voies urinaires. (5)
  7. En particulier si sepsis ou choc septique ; doses à renouveler sur avis infectio.
  8. En l’absence d’évolution favorable après 48h à 72h, vérifier l’identification des cultures et également s’il n’y a pas de complication de type abcès
  9. Discussion possible d’un traitement d’une durée plus longue mais pas indispensable (maximum 14 jours) (5)

Bactériémie après manipulation ou obstacle

  1. Priorité : lever l’obstacle
  2. Traitement similaire à la pyélonéphrite (FQ ou SMX/TMP IV ou PO) mais durée de traitement 7 jours

Abcès rénal ou infection de kyste

  1. Diagnostic du kyste (pas pour l’abcès) : PET-CT
  2. Avis d’un urologue à visée de drainage
  3. Durée d’antibiothérapie prolongée : 3-6 semaines, selon la qualité du drainage

Infection sur sonde urinaire

Une infection sur sonde urinaire se diagnostique sur base de signes cliniques (bas et/ou hauts) et non sur un aspect suspect des urines (floconneux, malodorant, sale, etc.). A noter que la prévalence de la bactériurie asymptomatique est > 50 % après une semaine et 100 % après un mois

Pour les prélèvements bactériologiques, ne pas prélever d’urines sur le cathéter en place :

  • Si le cathéter urinaire peut être enlevé : l’analyse d’urines doit être réalisée après retrait.
  • Si le cathéter urinaire doit rester : l’analyse d’urines doit être réalisée après changement du cathéter en particulier si celui-ci est en place depuis > 2 semaines.
  • En cas de cystite, il faut considérer une cystite à risque de complications ⇒ cf. ci-dessus.
  • En cas d’infection urinaire ascendante ⇒ cf. ci-dessus.
  • En cas de prostatite ⇒ cf. ci-dessous.

⇒ Durée de traitement retenue en fonction de l’entité retenue (cystite, pyélonéphrite, prostatite)

Prostatite

3 Prélèvement bactériologique AVANT de débuter l’antibiothérapie.

  1. Cibler en fonction de la sensibilité de l’antibiogramme
  2. Privilégier une fluoroquinolone ou le SMX/TMP
Type Traitement Durée 4
Prostatite aiguë Traitement empirique cf. pyélonéphrite

Relais per os à privilégier :
SMX/TMP PO 800 mg/160 mg/12 h ou
Ciprofloxacine PO 500 – 750 mg/12 h ou
Lévofloxacine PO 750 mg/24 h

Si bactérie résistante :
Avis infectiologique
14 j
Prostatite chronique Antibiothérapie ciblée en fonction de l'antibiogramme
Avis infectiologique & urologique recommandé
4 à 6 semaines

Références

  1. Caron F, Galperine T, Flateau C, Azria R, Bonacorsi S, Bruyère F, et al. Practice guidelines for the management of adult community-acquired urinary tract infections. Med Mal Infect [Internet]. 2018;48(5):327–58. Available from: https://doi.org/10.1016/j.medmal.2018.03.005
  2. Nicolle LE, Gupta K, Bradley SF, Colgan R, DeMuri GP, Drekonja D, et al. Clinical practice guideline for the management of asymptomatic bacteriuria: 2019 update by the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis. 2019;68(10):E83–E75.
  3. Bonkat G, Bartoletti R, Bruyère F, Cai T, Geerlings SE, Köves B, et al. EAU Guidelines on Urological Infections. Eur Assoc Urol 2023. 2023;(March):18–20.
  4. Gauzit R, Castan B, Bonnet E, Bru JP, Cohen R, Diamantis S, et al. Anti-infectious treatment duration: The SPILF and GPIP French guidelines and recommendations. Infect Dis Now [Internet]. 2021;51(2):114–39. Available from: https://doi.org/10.1016/j.idnow.2020.12.001
  5. McAteer J, Lee JH, Cosgrove SE, Dzintars K, Fiawoo S, Heil EL, et al. Defining the Optimal Duration of Therapy for Hospitalized Patients With Complicated Urinary Tract Infections and Associated Bacteremia. Clin Infect Dis. 2023;76(9):1604–12.
  6. Zhanel GG, Zhanel MA, Karlowsky JA. Oral Fosfomycin for the Treatment of Acute and Chronic Bacterial Prostatitis Caused by Multidrug-Resistant Escherichia coli. Can J Infect Dis Med Microbiol. 2018;2018.